Flash Info 128 : PPA : Nouvelle prolongation de l’interdiction d’accès à la forêt

Dernière mise à jour le 27 Mar. 2020

Foret-resineux

Ce mardi 21 janvier, la Ministre de l’Environnement, de la Nature et de la Forêt, Celine Tellier (Ecolo), a annoncé lors d’une conférence de presse la prolongation pour 4 mois de l’interdiction d’accès à la forêt dans le cadre des mesures d’éradication du virus de la Peste Porcine Africaine chez les sangliers.

Le mot d’ordre : Les efforts fournis (notamment par une pression de chasse) ont porté leurs fruits, il faut à présent les maintenir jusqu’à l’éradication totale du virus. 41.000 heures de recherches organisées ont été nécessaires pour arriver à détruire plus de 4600 individus dont 831 ont été diagnostiqués positifs au virus. Le maintien de la fermeture de la forêt à tous les usagers doit permettre de confiner la maladie, d’éviter la propagation vers les zones boisées non infectées et élevages de porcs et, de protéger les usagers des tirs intensifs. Dès lors, seules les personnes chargées d’éliminer les derniers animaux « survivants » avant les mises-bas et estimés entre 100 à 200 individus sont autorisées à circuler en forêt. Le SPW organisera une nouvelle campagne de prospections systématiques afin de rechercher des carcasses entre le 5 février et le 15 mars, soit tant que la forêt est sans végétation. Le fait de ne plus avoir découvert de cas positif récent nous laisse présager que nous arrivons à la fin du problème et donc de l’interdiction d’accès en forêt mais, les spécialistes d’insister sur le fait que la situation reste critique. La mort du dernier cadavre positif retrouvé le 3 janvier dernier remontrait à 3 à 6 mois alors que les experts européens estiment à un an le délai nécessaire entre le dernier cadavre positif et l’arrêt des mesures de gestion de la peste.

La forêt reste donc fermée, toutefois…. Nos démarches et insistances n’ont pas été vaines.

1/ L’évacuation sanitaire des épicéa scolytés reste une dérogation à l’interdiction d’accès en forêt. Si cela paraît être une évidence, rappelons qu’il a fallu tout de même d’abord convaincre la Région wallonne et ensuite cette dernière de convaincre l’Europe pour accorder cette exception toute particulière depuis janvier 2019 (soit 4 mois après la première interdiction).

2/La Région wallonne a pris financièrement à sa charge les mesures de désinfection des engins forestiers nécessaires pour évacuer les épicéas.

3/ Nous avons obtenu un budget de 4 millions € sous le Gouvernement précédent pour indemniser les propriétaires et exploitants concernés par la zone PPA. Un arrêté du Gouvernement wallon publié en juin 2019 a permis à 19 exploitants et des propriétaires d’introduire une demande d’indemnisation, elles sont en cours de traitement.

4/Compte tenu de l’amélioration de la situation et donc d’une nouvelle appréciation de la balance des intérêts, la réalisation des actes sylvicoles les plus urgents et les moins invasifs sont désormais autorisés par le nouvel arrêté ministériel. Le marquage des arbres et la plantation des plants déjà achetés ou commandés avant l’interdiction d’accès seront donc possibles moyennant une simple notification au DNF valable 10 jours ouvrables (voir arrêté ministériel pour le détail).

L’extension de la dérogation à ces 2 activités sylvicoles est une avancée positive dans la prise de considération du secteur forestier et, de la part de la nouvelle Ministre de la Forêt, Celine Tellier. Cependant, nous devons relever plusieurs doléances.

 

Un manque de réactivité

Alors que nous avons été auditionnés avec la Confédération Belge du Bois (notre partenaire depuis le début de l’interdiction) en novembre dernier par le Comité scientifique de l’AFSCA, le nouvel arrêté ministériel se base encore sur un avis de ce comité scientifique de l’AFSCA qui date de mai 2019. Or l’audition de novembre a permis de mettre en évidence que les activités sylvicoles et forestières n’entraînent pas forcément (contrairement à ce qui est relaté dans l’arrêté ministériel et les précédents) ni le déplacement systématique des sangliers ni le risque de propagation du virus par les engins sylvicoles hors zone infectée vu les mesures de biosécurité et de désinfection. Le traitement de ces nouvelles informations, plus que pertinentes, n’ont cependant pas encore été traitées par le comité scientifique de l’AFSCA et ne le seront pas avant fin mars/début avril. Nous avons pourtant averti la Ministre en décembre qu’il lui était possible de demander un avis officiel au Comité scientifique dans un délai imparti…

 

Un manque de proportionnalité

S’il est incontestable que les mesures de gestion des risques liés à la propagation du virus telles que les clôtures, l’intensification de la prospection doivent être maintenues, nous ne pouvons accepter que l’interdiction d’accès à la forêt soit considérée comme un succès de modèle de lutte sans une évaluation des préjudices collatéraux. C’est la proportionnalité de cette mesure par rapport à son coût en termes de préjudices économiques subis qui doit déterminer son efficacité. Or, à l’heure actuelle, aucune évaluation économique n’a encore été réalisée ni ébauchée.

 

Trop scientifique ?

Depuis le début de l’interdiction, chaque fois que nous avons interpelé les responsables, on nous a répondu que « c’était l’autre qui… » : le Ministre a dit qu’il suivait l’ordre de l’Europe, l’Europe nous a dit que les Etats membres étaient souverains de leur décision, le Ministre nous a dit qu’il suivait l’avis des scientifiques de l’AFSCA, ils nous ont dit qu’ils éclairaient ce dernier sans plus sur l’évaluation du risque mais que le gestionnaire de risque (la Région wallonne) restait responsables de la prise de mesures qui devaient être prises par rapport au reste du contexte (aspects économiques holistiques, pratiques, écologiques, etc.) … Faut-il cependant avoir besoin de mois de réflexion « scientifique » pour évaluer une situation assez simple à comprendre. On sait que les clôtures sont efficaces et donc les animaux confinés, les exploitants forestiers locaux ne se déplacent pas ou peu hors zone infectée, ils savent prospecter le terrain avant travaux, à 2 plutôt qu’à 8, et désinfectent les engins après travaux ; on sait que les sangliers sont habitués aux travaux sylvicoles et forestiers; et les opérations de dégagements/dépressage faciliteraient les prospections devenues de plus en plus difficiles… et enfin, plus de 9 cadavres positifs sur 10 ont été trouvés en fond de vallée, à proximité des cours d’eau donc, en dehors des plateaux et versants… Or, on lit encore dans le nouvel arrêté que les activités sylvicoles doivent rester interdites au seul motif qu’elles risquent d’effrayer/déranger les sangliers ou de disperser les cadavres…

Le manque de réactivité, le manque de proportionnalité, le trop scientifique ne sont-ils pas tout simplement le résultat de l’absence d’intérêt pour les préjudices subis ? En effet, la Région wallonne prendrait-elle la même interdiction si elle avait l’obligation (ou la volonté) d’indemniser les préjudices collatéraux subis par des secteurs économiques privés ? NTF a d’ailleurs rappelé à la Ministre qu’il restait encore dans l’enveloppe des 4 millions d’Euros, 2 millions destinés à indemniser le manque à gagner qui aurait dû être déterminé par l’OEWB… Mais ce point également est aujourd’hui sans réponse.

 

Par conséquent, NTF mènera dans les prochaines semaines, en collaboration avec la Confédération du bois, différentes actions que nous ne manquerons pas de vous communiquer.